Au déclenchement de la 1ère Guerre Mondiale, les tchèques et les slovaques sont des sujets loyaux dans leur immense majorité à l’Empire austro-hongrois et ils s’enrolent sans problème en 1914.
Mais les problèmes commencent dès 1915 car les cadres sont essentiellement germanophones et ne traitent pas bien leurs troupes. Ordres, contre-ordres et sanctions pour les avoir suivis sont le quotidien pour les hommes.
C’est pourquoi, dès 1915, des intellectuels tchèques et slovaques envisagent de créer des forces armées pour combattre aux côtés de la Triple Entente (France, Grande-Bretagne et Russie) contre l’empire habsbourgeois afin d’obtenir la création d’un état indépendant.
Des légions tchécoslovaques sont ainsi créées en France, en Italie et en Russie.
Nous nous intéresserons plus particulièrement à cette dernière.
Recevant des demandes des tchèques et slovaques vivant dans l’Empire Russie depuis 1914, le tsar Nicolas II consent à la création de cette force nationale.
Une « compagnie tchèque » incorporée à l’armée russe voit ainsi le jour en 1915 et elle se met à intégrer les prisonniers et déserteurs austro-hongrois originaires des territoires qu’ils revendiquent (Bohème, Morava, Silésie et Slovaquie). En février 1916, elle devient un « Régiment de fusiliers tchécoslovaques » puis, en mai 1916, la « Brigade des fusiliers tchécoslovaques ». Une brigade qui devint en septembre 1917 la ‘Première division de fusiliers hussites et qui, couplée à une Seconde division de fusiliers devient finalement le « Corps tchécoslovaque de Russie » ou « Légion tchécoslovaque » comptant selon les moments entre 40 000 et 60 000 hommes.
Ces hommes participent à de nombreux combats (notamment l’Offensive Kerenski en juillet 1917 où les tchécoslovaques remportent la bataille de Zboriv) mais tout change avec la 2nde Révolution Russe d’Octobre 1917 où les bolcheviques prennent le pouvoir et signent la paix avec la Triplice à Brest-Litovsk en mars 1918.
Soudainement, l’objectif de la légion (combattre les austro-allemands) ne peut plus être poursuivi en Russie et il est décidé d’évacuer vers la France en passant par la Sibérie et Vladivostok.
Mais cette évacuation est lente en raison de la désorganisation en Russie, des tensions existantes avec les bolcheviques et du fait que la priorité est donnée au rapatriement des prisonniers allemands et austro-hongrois.
Le 14 mai 1918, le train de la légion et un train de hongrois loyaux à l’Empire (considérant donc les tchécoslovaques en face comme des traîtres) se croisent dans la gare de Tcheliabinsk. Des mots, des insultes puis des pierres sont échangées ce qui causa la mort d’un hongrois.
Plusieurs hommes de la légion sont alors arrêtés ce qui met le feu au poudre.
La gare puis la ville sont capturées par les tchécoslovaques pour libérer leurs camarades ce qui, dans le même temps, coupe la liaison bolcheviques avec la Sibérie.
Ils prennent alors le contrôle du Transsibérien et notamment de 8 wagons contenant la réserve d’or impériale de Kazan.
Cherchant toujours à rejoindre Vladivostok, la légion continue son chemin mais ils sont bloqués par un obstacle de taille : le lac Baïkal.
S’ils arrivent à prendre quelques positions sur la rive Nord, le lac et les autres rives sont contrôlées par l’Armée Rouge qui peut les bombarder et débarquer sur leurs arrières.
La légion capture alors deux navires à vapeur au mouillage sur lesquels ils installent au total 4 canons.
Le 15 août, les navires (le « Sibirjak » et le « Fedosia ») quittent la côte qu’ils contrôlent en pleine nuit et se dirigent en direction du port bolchevique de Babushkin.
Vers midi le 16 août 1918, les bateaux sortent du brouillards à 8 kilomètres du port russe. Les rouges, pendant que c’étaient des camarades apportant des vivres les laissent approcher.
Quand ils se rendirent compte de leur erreur, les bateaux n’étaient plus qu’à 4 kilomètres et il était trop tard.
Les tchécoslovaques tirèrent alors sur le Baïkal (brise glace sur lequel des canons avaient été placés et qui allait leur tirer dessus) qui fut coulé très rapidement. Les prochaines cibles furent alors le port et la gare qui partirent en fumée tandis que les troupes de garnison essayaient d’échapper aux explosions.
Au bout d’une demi-heure, un train blindé russe avec des canons arriva et commença a bombarder les navires de la légion. Ayant atteint leurs objectifs, ils se retirèrent.
La légion perdit 19 hommes dans cette bataille qui est le premier affrontement et première victoire navale de l’histoire tchécoslovaque (un pays qui n’existe pas encore et qui n’aura pas d’accès à la mer, le tout à des milliers de kilomètres de son futur territoire).
Le passage libéré, la légion poursuit son chemin et arrive à l’automne 1918 à Vladivostok pour y retrouver des troupes japonaises et américaines envoyées à l’origine pour les aider à se débloquer (elles finiront par donner un coup de main aux armées russes blanches contre les bolcheviques).
Les victoires de la légion en Russie à l’été 1918 poussèrent de plus en plus de pays à envoyer des reconnaissances officielles au Conseil National Tchécoslovaque ce qui aboutit, le 28 octobre 1918, à la création de la République Tchécoslovaque.