Depuis des siècles, les Russes et les Ottomans sont régulièrement en conflit. Et c’est pour le contrôle d’une partie de la Mer Noire qu’une nouvelle guerre éclate en 1787 et que l’empereur autrichien Joseph II répond à l’appel russe.
L’Autriche rentre donc dans le conflit en février 1788 pour récupérer quelques terres et concentrer sur les ottomans la colère interne de son empire.
Mais la préparation lente des Russes poussent les Ottomans à d’abord se concentrer aux portes du territoire habsbourgeois avec environ 100 000 hommes.
L’armée habsbourgeoise est forte également de 100 000 hommes et se rapproche de Karansebes, une petite ville aux confins de l’empire mais stratégique pour le contrôle de la zone et de la frontière.
Alors que la nuit approche le 17 septembre, un contingent de hussard de l’avant garde autrichienne décide de partir en éclaireur pour reconnaître la position de l’ennemi et traverse donc la rivière Timis.
Mais voyant des gitans, ils oublient leur mission d’éclaireur et achètent de l’alcool pour festoyer.
Tout l’alcool.
Il ne reste ainsi plus rien pour les fantassins qui les suivaient et le refus hussard de partager la boisson dégénéra en dispute.
Les cavaliers se retranchèrent sommairement et des coups de feu claquèrent.
Pour les faire fuir, les fantassins hurlèrent « Des Turcs ! Des Turcs ! ».
Ce qui fonctionna.
C’est alors que des officiers autrichiens arrivèrent sur les lieux pour stopper l’affrontement mais leur « Halte ! » fut comprit comme un « Allah ! » ce qui indiquait une attaque en masse des ottomans.
La fuite fut alors totale vers le camp où le chaos s’installa alors que chacun pensa avoir affaire à un ennemi à chaque ombre aperçue. L’artillerie autrichienne donna aussi de la voie pour repousser les « attaquants » en bombardant le camp.
L’armée entière partie en déroute devant un ennemi qui était alors à plusieurs kilomètres de là.
Lors de cette fuite, l’empereur tomba de cheval et atterrit dans une rivière avant d’être secouru par ses hommes.
La « bataille » de Karansebes aurait ainsi fait entre 10 000 (chiffres données par les premières sources) et 150 morts (chiffres plus récents) qui furent retrouvés 2 jours plus tard par les ottomans arrivant sur place.
Une bien « belle » histoire de fail militaire dont pourtant le récit est débattu.
Les premiers récits que l’on a de l’incident datent en effet de 1843 (un historien prussien) et de 1837 (le maréchal français Marmont). Soit plus de 50 ans après les faits.
Mais étant des rivaux de l’Autriche à l’époque, beaucoup de détails qu’ils racontent semblent inventés tels que les 10 000 morts et blessés ou alors le fait que l’artillerie habsbourgeoise ait tiré sur son propre camp au moment de la « charge supposée » des ottomans.
Cependant, le nombre important de publications venant de plusieurs pays (britanniques, françaises, prussiennes, ottomanes et mêmes autrichiennes) pousse les historiens à penser que l’évènement à n’a pas complètement été inventé pour se moquer d’une puissance rivale mais qu’il a simplement été exagéré au fil des ans pour devenir à tord la « bataille la plus stupide » de l’histoire.
Même si on peut douter qu’un tel affrontement entre régiment d’une même armée puisse être considéré comme une bataille.
La guerre russo-turque se terminera en août 1791.
Les autrichiens ne gagnèrent quasiment rien malgré de beaux succès en 1789 et 1790. Ce conflit dévasta pourtant l’économie autrichienne par son coût abyssal faisant passer la dette du pays de 22 millions de gulden en 1789 à 400 millions en 1790 ce qui retarda l’émergence d’une société civile moderne.
La Russie gagna de nombreux territoires au bord de la Mer Noire et obtint des Ottomans la reconnaissance de toutes les conquêtes russes jusque là.